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Centrale électrique à gaz à Ploufragan : les aberrations de ce projet anachronique

Par le Collectif Urgence Réchauffement Climatique

samedi 28 juin 2008, par postmaster

Depuis plus d’un an, de nombreuses personnes luttent contre le projet de construction d’une centrale thermique (gaz et fioul) de 230 MW à Ploufragan, près de Saint-Brieuc. Ce projet, porté par Gaz de France, est la conséquence d’un appel d’offre lancé par RTE (tiens, tiens, les revoilà !) en total contradiction avec la politique énergétique de la région Bretagne. Bref, le sujet est complexe, mais on y retrouve beaucoup de similitude avec la lutte contre la ligne THT qui nous concerne : non-justification du projet, mensonge des industriels et des autorités, mobilisation et contre-expertise tenace des associations, tentative de passage en force, déni de démocratie.

Nous reprenons ici un document du Collectif Urgence Réchauffement Climatique (CURC) expliquant, en 10 points, le projet et les raisons de s’y opposer, puis dans la deuxième partie de l’article le communiqué de presse du CURC du 20 juin 2008

A PLOUFRAGAN (près de St-Brieuc) en COTES D’ARMOR (22)

le projet de centrale thermique le plus aberrant de l’histoire des centrales thermiques

Liste non exhaustive des aberrations de ce projet anachronique

1) INTOX SUR LE RISQUE DE PANNE
(Réseau de Transport d’Electricité) a lancé un appel d’offres pour une unité de production d’électricité d’une puissance de 120 MW, fonctionnant 100 à 300 h par an.
RTE tente de justifier l’appel d’offre en invoquant le « risque de panne ». Qu’en est-il de ce risque ?
L’étude indépendante menée par le bureau Horizons, financée par les collectivités locales, a montré qu’il s’agit de l’hypothèse (dont la probabilité n’a même pas été évaluée !) que l’on soit confronté à la fois à une forte pointe de consommation hivernale ET à une rupture accidentelle totale de la plus importante des lignes à haute tension qui
alimente la Bretagne nord (400 000 V), rupture totale qui ne s’est jamais vérifiée en France.
Dernier argument fallacieux en date : on veut nous faire croire que les coupures qui surviennent ici et là sont dues au manque d’électricité alors qu’elles sont imputables au manque d’entretien du réseau ! Plus c’est gros plus ça marche !

2) CE PROJET N’EST MOTIVE QUE PAR L’OUVERTURE A LA CONCURRENCE DU MARCHE DE L’ELECTRICITE

PROJET RETENU : celui de GDF qui propose une centrale au gaz et fuel, d’une puissance presque double fonctionnant 10 fois plus longtemps : 230 MW, fonctionnant 3 000 à 4 000 h par an. L’essentiel de la production serait vendue, non à RTE, mais à des clients privés dans le cadre de l’ouverture du marché de l’électricité.
Dans un document de juillet 2007, RTE mentionne avoir reçu entre janvier 2005 et juin 2007, 26 demandes préalables de raccordement de centrales au gaz (22 à cycle combiné + 2 à cycle ouvert dont Ploufragan) et deux demandes pour des centrales au charbon. Du jamais vu ! Un foisonnement de projets dû à l’ouverture du marché de l’électricité à
la concurrence, depuis juillet 2004 pour les clients professionnels, depuis juillet 2007 pour les clients particuliers. Les opérateurs se bousculent pour produire et vendre de l’électricité, se tailler une part du marché.
Souvenons-nous pourtant que la France est en surcapacité et surproduction chroniques d’électricité (déjà en 2005 : 549 TW/h produits pour une consommation de 424 TW/h, avec vente à perte à l’étranger - cf 2 rapports de l’INESTENE)
Le délégué régional de Gaz de France a d’ailleurs avoué que le projet de GDF préexistait à l’appel d’offres de RTE.
Manifestement, cette agressivité commerciale de GDF est à mettre en lien avec la montée du cours des actions de GDF (+ 50 % en 2007) et la préparation du mariage avec Suez : se montrer conquérant pour aborder la fusion dans de meilleures conditions.

3) LE MENSONGE A L’APPUI DU SURDIMENSIONNEMENT PATENT

Pendant l’enquête publique de l’hiver dernier, GDF nous affirmait qu’il n’était plus possible désormais de construire des centrales dédiées aux seules pointes de consommation (comme les deux centrales au fuel qu’on trouve dans le département voisin du Finistère). Or, au même moment, EDF inaugurait en janvier 2008 à Vitry-sur-Seine une centrale thermique au fuel de 125 MW destinée à fonctionner quelques dizaines d’heures par an, cependant que deux autres du même type sont en projet.

4) CONSOMMATION : LA POLITIQUE DU TOUJOURS PLUS

Le prétexte affiché est de faire face aux pointes de consommation alors même que EDF a supprimé la possibilité pour les particuliers et les professionnels de souscrire des types d’abonnement qui encourageaient financièrement à limiter la consommation en période de pointe et qui avaient fait la preuve de leur efficacité.
Pendant ce temps, la France s’engage à diminuer de 20 % sa consommation d’énergie d’ici 2020 !

5) LIEU D’IMPLANTATION ABERRANT

La centrale de Ploufragan, qui prétend fonctionner essentiellement au gaz, serait la première de cette importance (autre que d’appoint) construite loin de tout terminal méthanier (contrairement à celles Fos-sur-mer, Dunkerque et Montoir de Bretagne). Il en résulte que cette centrale, qui doublerait la consommation de gaz naturel du
département, nécessiterait un renforcement important du réseau d’acheminement, payé par tous les consommateurs de gaz : 85 millions € sur la période 2007-2016, selon GRT gaz, soit presque autant que le coût de la centrale elle-même : 100 millions €.

6) OBSTACLE DIRECT AU DEVELOPPEMENT DES ENERGIES RENOUVELABLES

- Les limites du réseau électrique actuel de Bretagne nord ne permettent pas de cumuler la production prévue par Gaz de France avec l’ensemble du potentiel de production renouvelable. Les contraintes de raccordement mettraient directement en concurrence la centrale au gaz-fuel avec les sites éoliens offshore actuellement à l’étude dans la Baie de Saint Brieuc (Capacités d’accueil supplémentaire du réseau : 500 à 600 MW / Centrale prévue 232 MW / Potentiel éolien offshore en baie de St-Brieuc : 500 MW …). La centrale va-t-elle contraindre dans l’avenir à un renforcement du réseau haute tension alors qu’on nous dit aujourd’hui que cette injection locale de puissance est voulue
pour éviter le renforcement trop onéreux du réseau HT !
- L’attribution du marché par RTE à Gaz de France a pu dissuader d’autres projets de production en énergie renouvelable. Ainsi, l’appel d’offres national biomasse, émis en décembre 2006, trois jours après l’annonce du projet de centrale par RTE, a reçu 56 candidatures en France mais pas une seule sur la Bretagne, pourtant particulièrement riche en biomasse.

- La Bretagne a un formidable potentiel inexploité de développement des énergies renouvelables
Eolien : Le Plan Energie Bretagne prévoit 1000 MW terrestres en 2010 et 500 MW off-shore en 2015.
biomasse : production de méthane à partir de déchets animaux et végétaux, chauffage au bois...,
solaire thermique et photovoltaïque sous-exploité comme partout en France,
énergies marines : mouvements des marées, des courants, de la houle.

Pendant ce temps, la France s’engage à ce que les énergies renouvelables représentent 20% de la consommation d’énergie en 2020 !

7) DES ENERGIES FOSSILES EN VOIE D’EPUISEMENT POUR PRODUIRE DE L’ELECTRICITE ! !

53 $ le baril en janvier 2007 - 100 $ en janvier 2008 - 145 $ en juin 2008 - 200 $ en décembre 2008 / En 2 ans : prix multiplié par 4
Les ressources de pétrole et le gaz dont la demande mondiale augmente sont en voie d’épuisement. Il faut impérativement réserver ce qu’il en reste à des usages pour lesquels la substitution est nettement plus difficile.

8) LUTTE CONTRE LE RECHAUFFEMENT CLIMATIQUE : DISCOURS OU REALITE ?

Centrale très émettrice de Gaz à Effet de Serre : à elle seule plus de CO2 que toutes les industries bretonnes soumises à déclaration ;
Avec le GRENELLE de l’environnement, la France a fait sien l’objectif européen de diminuer de 20 % les émissions de GES d’ici 2020. A quand des actes accordés aux discours ? Nos gouvernants sont-ils schizophrènes ?

9) INVESTISSEMENT MINIMAL POUR RENDEMENT MEDIOCRE ET POLLUTION MAXIMALE

Centrale d’un rendement médiocre (de l’ordre de 35 % puisqu’il n’est pas question de cogénération). Un tel rendement est totalement inédit pour une centrale fonctionnant aussi longtemps (3000 h en moy, 4 000 h maxi – en « semi-base »).
Elle produirait aussi énormément d’oxydes d’azote car leur traitement par voie humide est un système de traitement à moindre coût, conçu normalement pour les centrales d’appoint, et non pour des centrales fonctionnant en semi-base.
Elle consommerait de ce fait jusqu’à 250 000 m3 d’eau potable (pour 4000 h) : à titre de comparaison, en 2001 la totalité des industries du bassin versant en ont consommé 700 000 m3
Elle déverserait dans le milieu naturel 6000 à 8000 m3 d’effluents non traités
Elle serait implantée sur un terrain que le collectif a fait reconnaître comme étant aux trois quarts sur une zone humide protégée par la loi. Le 18 juin dernier a été annoncé dans la presse le retrait du dossier pour le dépôt d’une seconde demande qui visera le même terrain en proposant des « mesures compensatoires ».

NOUVELLE ENQUETE PUBLIQUE EN SEPTEMBRE 2008

10) DENI DE DEMOCRATIE :

UNE EXPERTISE TRES CRITIQUE MENEE PAR UN BUREAU D’ETUDES INDEPENDANT

UNE OPPOSITION UNANIME DES COLLECTIVITES CONSULTEES ET POURTANT LE PREFET S’EMPLOIE A ABOUTIR A UNE AUTORISATION DU PROJET

Expertise technico-économique du projet menée par le bureau Horizons, sous maîtrise d’ouvrage associative, co-financée par le Conseil général, le Pays de Saint-Brieuc, la communauté d’agglomération de St-Brieuc, la commune de Ploufragan, le Syndicat Départemental d’Electricité. Elle a démontré les nombreuses incohérences du dossier.
Expertise et étude complémentaire sur le potentiel d’énergies renouvelables en Bretagne
Les dépositions de la population contre le projet, lors de l’enquête publique, ont été nombreuses.
Les 10 communes du périmètre de l’enquête publique, les 3 communes voisines non sollicitées par le Préfet ainsi que la Communauté d’agglomération de Saint-Brieuc ont émis un avis défavorable au projet.
Les deux députés locaux (Mme Danielle Bousquet et M. Marc Le Fur) et le sénateur (M. Claude Saunier) ont depuis longtemps manifesté publiquement leur opposition au projet ;
La Chambre d’agriculture des Côtes d’Armor, le Conseil régional Bretagne, la Commission Locale de l’Eau, le président du Conseil général se sont positionnés contre le projet.

Collectif Urgence Réchauffement Climatique

curc22 at free point fr


Communiqué de presse du Collectif Urgence Réchauffement Climatique

20 juin 2008

PROJET DE CENTRALE THERMIQUE A PLOUFRAGAN (COTES D’ARMOR)

RTE ACCEPTE ENFIN LE DEBAT MAIS NE DEMONTRE PAS L’INTERET DU PROJET

GDF s’asseoie sur les zones humides

Le Préfet des Côtes d’Armor peut remercier le Collectif urgence réchauffement climatique qui a très tôt su reconnaître l’existence d’une zone humide à protéger en vertu de la loi. Les experts envoyés ensuite sur le terrain par la Commission Locale de l’Eau, le Préfet puis le cabinet de GDF l’ont confirmé, démontrant par là la faiblesse de l’étude d’impact versée au dossier.

GDF retire donc son dossier pour en déposer un autre le 31 juillet prochain mais persiste dans l’erreur. Au mépris de l’opposition exprimée par M. CADEC, président de Commission locale de l’eau, il persiste à vouloir détruire 3 ha de cette zone humide qui est à la source du Gouëdic, mettant en avant des « mesures compensatoires » dans le secteur qu’il refuse pour l’heure de dévoiler.

GDF s’asseoie sur le réchauffement climatique

La réunion du bureau de la CABRI (communauté d’agglomération de St-Brieuc), élargie à de nombreux élus, qui s’est tenue jeudi dernier sur la question de la centrale, en présence des responsables de RTE et GDF, de représentants du CURC et d’experts du Bureau Horizons et du cabinet Faro & Gozlan, a permis enfin de poser les graves questions soulevées par ce projet de centrale.

Alors que le CURC a cherché en vain le dialogue avec RTE depuis près d’un an, pour obtenir des explications claires sur les enjeux du réseau électrique de la Bretagne Nord, RTE n’a accepté cette rencontre tardive que dans l’espoir de mesurer l’état d’avancement de l’expertise juridique en cours, pendant que de nombreuses questions sont restées sans réponse satisfaisante :
Pas d’information spécifique au réseau Nord (fréquence des pics, évolution de la consommation, niveau de la pointe) :
Que signifie réellement le « risque de panne » ressassé par les promoteurs pendant toute la durée de l’enquête ? Il s’agit de pouvoir parer au risque infinitésimal de rupture totale de la plus importante des lignes THT pendant une période de grand froid (sans pouvoir citer d’exemple précis d’une telle rupture).
La demande initiale de RTE est de 120 MW pour une centaine d’heures de production par an. Rappelons que les centrales de Brennilis et Dirinon, dédiées aux pointes de consommation, ne fonctionnent que 60 h à 200 h par an, selon les hivers. GDF exige 230 MW pendant 3000 à 4000 heures, de façon à se tailler une place sur le marché de l’électricité ouvert à la spéculation.
RTE, GDF et EDF tablent sur une augmentation constante de la demande en électricité qu’ils encouragent de diverses manières. Ainsi EDF a supprimé la possibilité de souscrire à des tarifications Effacement Jours de Pointe qui avaient fait la preuve de leur efficacité. Dans leurs « scénarios hauts », ils ne prennent pas du tout en compte les effets des actions de réduction, comme l’opération de « Maîtrise de la Demande Electrique » lancée sur 5 ans par le Pays de St-Brieuc avec des objectifs chiffrés de diminution, pas plus que l’objectif européen retenu par le Grenelle de l’environnement de diminuer de 20% la consommation d’énergie et les émissions de gaz à effet de serre, d’ici 2020.
Le réseau nord-breton ne peut accepter que 500 à 600 MW de puissance nouvelle injectée. Avec une centrale GDF de 230 MW, un projet éolien dans la baie de 150 à 200 MW et un parc terrestre croissant, RTE serait à terme contraint de renforcer le réseau pour permettre le développement des énergies renouvelables. La construction d’une telle centrale, présentée comme une alternative au renforcement des lignes à haute tension, contraindrait au final à renforcer ce réseau !

Le bilan prévisible de la centrale voulue par GDF ne fait plus débat

Elle émettrait chaque année plus de 400 000 tonnes de CO2 dans l’atmosphère, soit plus que la totalité des usines bretonnes soumises à déclaration pour leurs émissions !
Un rendement médiocre (ce type de turbine « de secours » étant prévu pour un fonctionnement rapide mais très limité dans le temps) aggravant les émissions de gaz à effet de serre et d’oxydes d’azote.
Une consommation de gaz naturel équivalente à celle de l’ensemble des Côtes d’Armor, avec le renforcement en conséquence du réseau de transport de gaz, d’un coût pour GRTGaz de 90 M €, à la charge des usagers du réseau de gaz
Une consommation d’eau potable démesurée de 80 m3/h en pointe, entraînant une réaction sans détour des élus : l’usine de production d’eau potable de Saint Brieuc ne peut pas fournir une telle quantité d’eau !

Les réponses apportées par GDF n’ont manifestement pas convaincu et devant la volonté affichée de persévérer dans le même projet, le positionnement de la CABRI ne fait plus aucun doute, comme l’a confirmé en conclusion des débats M. Lesage

L’urgence climatique n’est pas une réalité pour les générations futures mais bien pour nos enfants, et à l’instar du président du conseil général, le CURC réaffirme qu’ensemble, on peut et on doit se passer de cette centrale !

Le 20 juin 2008

Le COLLECTIF URGENCE RECHAUFFEMENT CLIMATIQUE (CURC 22)
A.V.E.C., Terre & Mer, Cost ar Bio, Vivarmor nature, Réseau Cohérence, FAPEN, A.Q. La Poterie, A.T.T.A.C. 22, Sud Solidaires, Les Verts, l’U.D.B., la L.C.R. Avec le soutien du RIAC 29


Voir en ligne : Communiqué du CURC, du 24 novembre 2008, avec le soutien d’Ille-et-Vilaine sous Tension