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Enerzine - Interview de Besson : "RTE va proposer un scénario de décroissance du nucléaire"
vendredi 1er juillet 2011
Le Ministre chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique, Eric Besson a répondu à trois questions, en marge d’enerpresse forum.
77% des Français se sont déclarés au début de ce mois « pour une sortie du nucléaire ». L’ensemble des partis de gauche et des Verts réfléchissent à la question. Le pouvoir en place n’envisage-t-il pas, au minimum, un débat sur la question après la catastrophe de Fukushima ?
Vous avez raison, l’opinion à l’égard du nucléaire a évolué dans notre pays depuis Fukushima. Mais elle est en revanche stable en ce qui concerne les prix de l’énergie : les Français restent peu disposés à assumer l’impact d’une sortie du nucléaire sur leur pouvoir d’achat. Et les Français ne souhaitent pas que nous augmentions nos émissions de gaz à effet de serre ou que nous réduisions notre indépendance énergétique. L’évolution est donc contrastée, et il est nécessaire de se garder de toute conclusion hâtive.
Nos concitoyens n’ont pas assez conscience que nous sommes sortis depuis plusieurs années du tout nucléaire. Ce gouvernement est le gouvernement qui aura le plus, et de loin, développé la maîtrise de l’énergie et les énergies renouvelables. Depuis 2004, nous avons multiplié par 4 la puissance éolienne installée et par 100 la puissance solaire photovoltaïque installée. Et nous continuons : je lancerai en juillet l’appel d’offres éolien offshore puis l’appel d’offres solaire photovoltaïque.
Quant à débattre de notre politique énergétique, le gouvernement y est évidemment favorable, et le débat aura lieu. Sur la scène nationale, il aura lieu tout d’abord dans le cadre de la campagne présidentielle : quoi de plus démocratique ? Organiser un débat en parallèle de la campagne présidentielle n’aurait aucun sens et serait contre-productif : un tel débat serait nécessairement récupéré à des fins politiciennes.
Mais nous devons préparer sur le plan technique l’après - présidentielle. Or, l’année qui suivra le renouvellement du Parlement donnera lieu à l’examen de la programmation pluriannuelle des investissements de production d’électricité (PPI). Nous devons donc travailler en vue de cette échéance, notamment au regard de deux questions nouvelles par rapport aux PPI réalisées dans le passé :
Certains pays, dont l’Allemagne, ont récemment annoncé des évolutions extrêmement rapides et fortes de leur système énergétique. Notre pays se doit de prendre en compte dans sa propre stratégie l’analyse des impacts des décisions de nos voisins européens avec lesquels nous sommes interconnectés.
Les horizons de temps que nous adressons sont désormais ceux où la questionde la finde vie de notre parc nucléaire actuel se pose. Se pose dès lors la question de la durée de vie de ce parc, et le moment venu de son renouvellement, et par quels moyens de production.
A cet égard, RTE rendra public en juillet son bilan prévisionnel. J’ai demandé à RTE d’examiner, dans le cadre de son bilan prévisionnel, un scénario de décroissance du nucléaire à l’horizon 2030, pour en analyser les impacts.
D’autre part, la décision unilatérale de l’Allemagne ne remet-elle pas en cause le concept même de politique européenne de l’énergie ?
Le choix par chaque Etat membre de son mix énergétique est un choix souverain. Et nous souhaitons que cela reste un choix souverain. Mais le bon fonctionnement du marché intérieur de l’énergie et la sécurité des approvisionnements constituent des objectifs majeurs de la politique européenne de l’énergie conformément au traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne.
Or nos décisions nationales peuvent avoir un impact important sur l’équilibre entre l’offre et la demande d’électricité dans d’autres pays de l’Union Européenne.
C’est pourquoi j’ai écrit au Commissaire Oettinger début juin pour lui demander que les gestionnaires européens de réseaux de transport d’électricité, réunis au sein de l’ENTSO-E, analysent les conséquences sur les réseaux des récentes mesures nationales et proposent le cas échéant des modalités opérationnelles pour garantir des marges de sécurité.
Je me réjouis que cette initiative ait été acceptée : des groupes de travail ont été mis sur pied et une conférence ministérielle sera convoquée à Bruxelles après la pause estivale. Et je rappelle que l’Union Européenne a mis en place les tests de résistance des installations nucléaires, à l’initiative de la France. La France continuera à s’engager pour plus d’Europe dans le domaine de l’énergie, dans le respect des compétences nationales.
La France est en retard dans la réalisation des objectifs en matière d’efficacité énergétique. La contribution énergie-climat pourrait-elle renaître de ses cendres, après les élections, sous une forme acceptable par le Conseil constitutionnel ?
La France n’est pas en retard, elle a même dépassé son objectif intermédiaire. En effet, sur la période 2007-2009, le volume des économies d’énergie réalisées s’élève à 5,2 Mtep (millions de tonnes équivalent pétrole) pour un objectif fixé à 5 Mtep.
La France est par ailleurs le premier EtatMembre à avoir transmis son Plan d’Amélioration de l’Efficacité Énergétique à la Commission Européenne.
Ce plan d’action, transmis le 17 juin 2011 à la Commission, a pour objet de dresser le bilan des politiques et mesures mises en oeuvre par la France en terme d’économies d’énergie. L’atteinte de la cible à horizon 2016 fixée par la directive sur l’efficacité énergétique (12 Mtep) est évaluée grâce à des simulations basées sur des scénarios prospectifs « Énergie Climat Air ». Selon ces projections, les économies d’énergie réalisées en 2016 par notre pays devraient atteindre 18 Mtep, soit davantage que la cible fixée par la directive européenne.
Le gouvernement souhaite aller encore plus loin, et a lancé la Table Ronde Nationale sur l’efficacité énergétique. S’agissant de la contribution énergie climat, la France porte ce sujet au niveau européen, en soutenant activement la directive sur la taxation des produits énergétiques.