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Débat public (bidon) de la THT Lille-Arras interrompu
samedi 4 février 2012, par
Tract distribué le jeudi 2 février à Oignies :
L’ELECTROCUTION PARTICIPATIVE
« Tout le monde aura le droit de s’exprimer, c’est ça qui est fantastique ! »
Violette Le QuéréCady, membre de la CPDP LilleArras THT.
Résumons-nous : pour faire face au « développement de nouveaux sites de production électrique » et à « l’augmentation des échanges d’énergie avec les pays voisins », RTE Réseau de Transport d’électricité projette de « renforcer » le « maillon faible » de la région : la ligne très haute tension (THT) reliant le poste d’Avelin à celui de Gavrelle. En fait de renforcement, il s’agit, comme on sait, de démonter la ligne THT existante et de la remplacer par une ligne plus performante, portée par une soixantaine de pylônes de 50 mètres de haut et 33 de large. Tenu au préalable de satisfaire les exigences de la « démocratie
participative », RTE est l’invité de prestige des « rendez-vous démocratiques » dont nous régalent depuis le mois d’octobre les experts en travaux publics de la CPDP LilleArras THT. Ce soir, c’est aux habitants de Oignies « d’éclairer la décision » de RTE. Nous n’en ferons rien, pour notre part, préférant autant que faire se peut « éclairer les éclaireurs » : non pas en remplissant comme tant d’autres un « cahier d’acteur » validé par la CPDP, mais dans les limites du présent tract.
On ne s’est visiblement pas étendu, lors des sept réunions publiques précédentes, sur ces « nouveaux sites de production électrique » qui conduiraient RTE à « renforcer » les lignes THT, non seulement entre Lille et Arras mais partout ailleurs en France : nulle trace, dans la Synthèse du dossier du maître d’ouvrage, de l’amplification du désastre électronucléaire via l’’EPR,
le plus puissant des réacteurs jamais construits. L’un d’eux doit pourtant être mis en service à Flamanville en 2016, et un deuxième devrait suivre à Penly. Il est vrai qu’avec la catastrophe interminable de Fukushima, les « communicants » de RTE ont intérêt à invoquer plutôt le développement des énergies renouvelables, à la fois « durables » et peu compatibles avec le système
de distribution d’électricité, que celui du nucléaire. Quoi qu’il en soit, dans les faits, nucléaire et renouvelable se renforcent mutuellement : en complément des 19 centrales nucléaires qu’elle exploite, EDF, de même que GDF Suez et d’autres mastodontes européens, va remporter une bonne part du marché de l’éolien en mer (10 milliards d’euros), auquel l’État, « Grenelle de l’Environnement » oblige, attache des tarifs de rachat d’électricité particulièrement attractifs. Ce sont donc ces flux électriques en constante augmentation, quoique toujours aux trois quarts d’origine nucléaire, que RTE doit prendre en charge dans ses tuyaux et revendre à ses clients, en France et dans les « pays voisins ». Le « renforcement du maillon faible »
entre Avelin et Gavrelle n’est de ce point de vue qu’une manifestation locale de l’électrification totale de la vie qui constitue son fonds de commerce.
Quelques personnes ont souligné, à juste titre, le ravage des paysages et des milieux naturels qu’impliquerait la construction d’une nouvelle ligne. D’autres ont signalé les nuisances visuelles et auditives qu’ils enduraient déjà. Une chercheuse de l’INSERM a rappelé que les champs électromagnétiques étaient reconnus comme un « cancérogène possible » par l’Organisation mondiale de la Santé. Aussi défendables que soient ces motifs, ils ne suffiront pas à ébranler RTE, toujours susceptible de faire des promesses et des concessions de détail (les fameuses « mesures compensatoires ») pourvu que l’essentiel du projet reste intact.
Mais qui veut vraiment la peau de ce projet ? A la lecture des « cahiers d’acteurs », on prend peur : les environnementalistes de WebPCaM (sic) n’aspirent qu’à « participer aux différentes et indispensables négociations qui conduiront à des compromis » ; les habitants du hameau de La Becque demandent l’enfouissement de la ligne, qui non seulement ne supprime pas le champ électromagnétique mais est de toute façon jugé trop cher par RTE ; enfin l’association EDA, qui restera dans les annales de la servilité intéressée pour avoir organisé, en 2009, un colloque autour de la « co-construction de la gestion, à l’échelle de la Région, d’un accident nucléaire potentiel », nous fait savoir que sa « confiance » dans la démocratie participative a été par deux fois « déçue », et qu’elle en garde un « sentiment d’humiliation » (qu’elle se rassure, elle sera humiliée une troisième fois). Les opposants réels, quant à eux, n’ont pas à intégrer les contraintes technologiques et marchandes de RTE, et à se résoudre au choix du supplice : « variante est », « variante ouest » ou enfouissement, c’est au bout du compte la même chaise électrique. Il y a lieu au contraire de formuler un refus pur et simple de la THT, aussi bien sur le fond que sur la forme. Sur le fond, ne nous résignons pas à « enfouir » les premières questions qui viennent à l’esprit, ce sont les meilleures : pourquoi tant d’électricité ? Pour satisfaire quels besoins ? Toujours plus d’automatisation, de mobilité à grande vitesse et de communication sans contact ? Est-ce là une vie digne d’être vécue ? Sur la forme, sachons reconnaître l’objectif de ces « débats publics » : celui de donner à la décision déjà prise une caution démocratique, sans laquelle la sentence apparaîtrait, comme naguère, dans toute sa nudité autoritaire. Participer et prendre la parole, dans ces conditions, c’est confondre la démocratie avec sa grimace, la « démocratie participative », et renvoyer de facto toute autre forme d’opposition au mépris de la démocratie, à l’« l’extrémisme », voire au « fascisme ». Ce qui est bel et bien « fantastique », ce n’est pas que tout le monde ait « le droit de s’exprimer », c’est que tant de gens s’en contentent.
RTE et la CPDP nous veulent sereins, soyons survoltés : abandon de la THT, boycott du débat !
Des quelconques, le 2 février 2012
c/o Centre culturel libertaire, rue de Colmar, 59 000 Lille
contact : horssol at herbesfolles point org
Ligne THT : un collectif libertaire appelle au boycott des débats... et y parvient !
Le ton monte : pour la première fois depuis la tenus des débats, une banderole a été déployée.
Chaude, et même très chaude, cette huitième réunion publique autour du projet de ligne à très haute tension entre Avelinet Gavrelle. Un collectif « libertaire », après avoir distribué des tracts réclamant l’abandon de la THT et le boycott du débat, a dynamité la soirée. Qui s’est achevée au son d’une alerte incendie...
Jamais il n’y eut autant de fritures sur la ligne lors des précédents débats. Cette fois-ci, le ton est monté de plusieurs crans. Pour donner la note, un tract fut distribué en prélude aux échanges. Intitulé « l’électrocution participative », il est signé Des Quelconques, un collectif libertaire lillois, farouchement opposé au projet et au « pseudo débat » qui l’accompagne : « RTE et la CPDP nous veulent sereins, soyons survoltés : abandon de la THT, boycott du débat », est-il écrit.
Acte 1, scène 1. 18 h 30. La réunion se déroule selon le protocole habituel. Gaëtan Desquilbet, de RTE (Réseau de transport d’électricité), esquisse les grandes lignes du projet et donne le mode d’emploi de l’information au public en amont de l’enquête publique (permanences à la mairie, diffusion d’un journal du projet, création d’un site Internet de questions/réponses, etc.). L’ambiance est toujours au calme lorsque le maître d’ouvrage évoque la tenue d’ateliers territoriaux pour mettre en débat la compensation des impacts (paysagers, entre autres), qu’aurait l’installation de la ligne THT... Il fallait donc une étincelle. Étonnamment, elle fut allumée par Louis-Marie Dumon, de l’association Chlorophylle environnement pour la Pévèle, qui s’est mis à vanter « la chance que nous avons en France d’avoir une agriculture douce », avant d’émettre de sérieuses réserves sur la THT. Patatras ! Quelques minutes plus tard, une jeune femme du fond de la salle l’interpelle et s’insurge : « La douce agriculture en France, non mais on vit dans le même pays ? Pour la ligne, les décisions sont prises, et vous le savez. Le monsieur de RTE a présenté cette ligne comme une chose nécessaire, donc le débat est biaisé dès le départ... » Disséminés au fond de la salle, la dizaine de membres du collectif dénie toute légitimité à la Commission particulière du départ public, dont le président, Michel Giacobino, s’époumone pourtant à préciser qu’il n’a « pas d’avis » sur le projet. C’est en fait un débat de société sur le choix du nucléaire que les trouble-fête réclament, et non de choisir entre « la peste et le choléra », autrement dit entre deux tracés comme se proposait de le faire le débat de jeudi. Partant de là, c’est aujourd’hui « l’utilité » du projet qui est mise en cause. Plus calme que les membres du collectif, mais pas moins déterminé, Pierre Rose monte aussi au créneau : « Ce soir, on va parler enfouissement, compensation, variations entre les tracés est et ouest, mais le fond du problème reste le suivant : ce projet est-il utile ou pas ? Pour moi, il ne l’est pas. Le chauffage pour l’électricité est déjà très coûteux, et là on va en remettre une couche... » Attaqué de toutes parts, l’émissaire de RTE garde son sang-froid et déroule l’argumentaire connu : « Le but de ce projet, c’est bien qu’il n’y ait pas de coupures d’électricité à l’avenir et que l’énergie soit la moins chère possible (...) Par ailleurs, nous ne sommes pas sur la question de l’augmentation de la production d’énergie, mais sur celle de l’évolution de la nature de notre production (nouvelles centrales, champs d’éoliennes) ... » Entre deux escarmouches, les inquiétudes sur la santé sont toujours au coeur des débats. Un monsieur établit un parallèle entre l’exposition répétée aux champs électromagnétiques et le dossier de l’amiante. Un autre, d’Oignies, estime que les opposants sont hors sujet : « Je me fous pas mal d’un débat sur le nucléaire et l’éolien, moi j’aime la nature et je veux savoir si je vais pouvoir continuer à me promener sur mon terril. » 21 h 10, épilogue. Interrogé sur l’alternative au projet, le maître d’ouvrage semble embarrassé, comme si de plan B, il n’y avait point. « Si le projet ne se fait pas, alors le courant sera plus cher et la région connaîtra de grosses coupures d’électricité en cas de forts flux... » Au fond de la salle où la banderole est déployée, les opposants ironisent en chantant : « RTE, une chanson ! une chanson ! ». Dans la foulée, nouvel incident : l’alarme incendie a été déclenchée.
La voix du nord, samedi 4 février 2012
Autour de la table et dans la salle, on plie bagage, contraint et forcé.