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Droit des riverains - Propriétés - Travaux
lundi 28 février 2011, par
Sur l’accès aux propriétés pour les relevés et travaux :
Le droit de propriété est un droit fondamental garanti par la Constitution et le premier protocole additionnel à la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits De L’homme et des Libertés Fondamentales.
L’article 544 du code civil précise que "La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements."
L’article 545 rappelle que "Nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité."
Le droit de propriété est donc un droit absolu et protégée contre l’immixtion de tiers mais encore de l’administration.
L’entrée sans autorisation sur une propriété est de ce fait susceptible d’être constitutif d’une violation de propriété, ou pour une administration d’une voie de fait.
Comme cela ressort de l’article 545, une limite existe toutefois dans le cas de projet dont l’utilité publique a été reconnue, ce qui est le cas en l’espèce.
Comme le précise l’article 12 de la loi de 1906, la déclaration d’utilité publique d’une distribution d’énergie confère au concessionnaire ou au titulaire de l’autorisation le droit "2° de faire passer les conducteurs d’électricité au dessus des propriétés". Ce droit englobe également le droit "3° d’établir à demeure des canalisation souterraines, ou des supports pour conducteurs aériens sur des terrains privés non bâtis qui ne sont pas fermés de murs ou autres clôtures équivalentes."
La DUP confère donc à son bénéficiaire le droit d’implanter des ouvrages de ce type sur des propriétés privées. Toutefois, la DUP ne se suffit pas à elle-même et ne permet pas aux différents intervenants prestataires de RTE de pénétrer sur les propriétés privés. Des arrêtés complémentaires sont en effet nécessaires.
En effet, la réalisation de travaux ou relevés, suppose l’intervention d’arrêtés spécifiques pris par le préfet, sur la base de la DUP et autorisant les opérateurs à entrer sur les propriétés privées.
Concernant la réalisation de travaux, un arrêté préfectoral d’autorisation temporaire doit également intervenir en amont, mais dans ce cas de figure, un tel arrêté ne peut intervenir qu’après adoption du tracé de détail et organisation d’une enquête spéciale comme le prévoit l’article 12 de la loi de 1906. Les travaux ne peuvent intervenir qu’après notification directe aux propriétaires concernés.
Les servitudes relatives au passage de la ligne :
La création de servitude sur les parcelles concernées par le tracé de détail est la
condition nécessaire à la réalisation des travaux.
De manière classique les textes prévoient que la servitude doit être créée par arrêté selon une procédure assez contraignante.
L’article 12 bis de la loi de 1906 précise ainsi que : "
Après déclaration d’utilité publique précédée d’une enquête publique, des servitudes d’utilité publique concernant l’utilisation du sol, ainsi que l’exécution de travaux soumis au permis de construire, peuvent être instituées au voisinage d’une ligne électrique aérienne de tension supérieure ou égale à 130 kilovolts. Ces servitudes sont instituées par arrêté du préfet du département concerné.
Ces servitudes comportent, en tant que de besoin, la limitation ou l’interdiction du droit d’implanter des bâtiments à usage d’habitation et des établissements recevant du public. Elles ne peuvent faire obstacle aux travaux d’adaptation, de réfection ou d’extension de constructions existantes édifiées en conformité avec les dispositions législatives et réglementaires en vigueur avant l’institution desdites servitudes, à condition que ces travaux n’entraînent pas d’augmentation significative de la capacité d’accueil d’habitants dans les périmètres où les servitudes ont été instituées.".
La procédure d’édiction d’un arrêté préfectoral instituant des servitudes et la nature desdites servitudes sont précisées dans le décret n° 2004-835 du 19 août 2004 relatif aux servitudes d’utilité publique prévues par l’article 12 bis de la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d’énergie et le Décret n°70-492 du 11 juin 1970 pris pour l’application de l’article 35 modifié de la loi du 8 avril 1946 concernant la procédure de déclaration d’utilité publique des travaux d’électricité et de gaz qui ne nécessitent que l’établissement de servitudes ainsi que les conditions d’établissement desdites servitudes.
La création des servitudes d’utilité publique par arrêté suppose ainsi l’établissement par le préfet d’une relevé parcellaire détaillé, et le cas échéant l’organisation d’une enquête publique.
On comprend aisément que RTE puisse souhaiter éviter de passer par une telle
procédure autant que faire ce peut.
Or à côté de cette procédure, l’article 1 du décret 67-886 du 6 octobre 1967 précise que
"Une convention passée entre le concessionnaire et le propriétaire ayant pour objet la reconnaissance des servitudes d’appui, de passage, d’ébranchage ou d’abattage prévues au troisième alinéa de l’article 12 de la loi du 15 juin 1906 susvisée peut remplacer les formalités prévues au quatrième alinéa dudit article.
Cette convention produit, tant à l’égard des propriétaires et de leurs ayants droit que des tiers, les effets de l’approbation du projet de détail des tracés par le préfet, qu’elle intervienne en prévision de la déclaration d’utilité publique des travaux ou après cette déclaration, ou, en l’absence de déclaration d’utilité publique, par application de l’article 298 de la loi du 13 juillet 1925 susvisée."
Il apparaît donc clairement que les démarches actuelles de RTE visent à amener le plus de propriétaires possible à signer une convention du type de celle visée à l’article 1 du décret de 1967, afin d’éviter d’avoir à passer par la mise en place de la procédure administrative requise pour l’adoption de tracé de détail et des servitudes d’utilité publique afférentes.
Cette possibilité est en effet prévue par les textes et permet d’accélérer grandement la conduite du projet, mais également de négocier l’étendue et le contenu de la servitude.
Il est à noter que si une distinction existe entre propriétaires et exploitants sur la
question de l’indemnisation des servitudes, en revanche, la signature d’une convention instituant une servitude n’est qu’à l’appréciation du propriétaire.
Bien sûr par ailleurs, tous les ouvrages qui ne seraient pas couverts par la DUP, et le tracé de détail, suppose pour leur intervention une convention passée avec le propriétaire dans les conditions qui relève alors du code civil.
Sur l’indemnisation des servitudes :
La Convention signée par les Chambres d’Agriculture, les FDSEA et RTE, ne sont pas de celles visées à l’article 1 du décret de 1967.
Cette convention est en fait un accord cadre déterminant la nature des contraintes liées aux servitudes, et un barème d’indemnisation type, ainsi qu’un certain nombre de contrepartie susceptibles d’être offertes par RTE.
Il s’agit en fait d’un cadre de référence pour l’indemnisation des servitudes, cadre qui pourra être pris en compte (mais pas obligatoirement) dans les accords amiables concernant l’indemnisation des servitudes.
Concernant l’indemnisation des servitudes, les propriétaires, mais cette fois également les exploitants, ont là aussi le choix entre : passer un accord amiable avec RTE sur la nature des préjudices et le montant de leur indemnisation.
Soit, aller devant le juge de l’expropriation afin le cas échéant d’obtenir une
indemnisation plus adaptée, mais peut être aussi de ralentir et contrarier le projet de RTE.
L’article 12 dernier alinéa de la loi de 1906 prévoit en effet que " Lorsque l’institution des servitudes prévues au présent article entraîne un préjudice direct, matériel et certain, elle ouvre droit à une indemnité au profit des propriétaires, des titulaires de droits réels ou de leurs ayants droit. Le paiement des indemnités est à la charge de l’exploitant de la ligne électrique. A défaut d’accord amiable, l’indemnité est fixée par le juge de l’expropriation et est évaluée dans les conditions prévues par l’article L. 13-15 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique."
Le préjudice du propriétaire sera ici, la perte de valeur du foncier, en raison de
l’existence des servitudes. Concernant des terres agricoles, ce préjudice ne concerne généralement pas des montants très élevés.
Pour l’exploitant, il s’agira en revanche d’un préjudice d’exploitation lié à l’impact des servitude sur les conditions d’exploitations. Suivant les cas, ces préjudices peuvent être relativement élevés.
S’agissant de préjudices distincts, le fait qu’un propriétaire passe un accord amiable, ne remet pas en cause le droit de l’exploitant de rechercher une meilleure indemnisation devant le juge de l’expropriation.
Note de Stop-THT : merci à Me Bouquet-Elkaïm