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La Manche Libre - Dossier THT - 11 juin 2011

samedi 11 juin 2011, par postmaster

Après la révélation du financement de la gendarmerie de Pèriers par RTE, voici la propagande de la Manche Libre sur les "patrouilles" des gendarmes pour fliquer les opposants jusque dans leur ferme et leur maison.

Saint-Hilaire - Sous la ligne, la campagne se résigne

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Au lieu-dit La Coltière, l’ancien charpentier octogénaire s’inquiète plus des interférences de la THT sur sa télé que des conséquences pour sa santé.

Depuis janvier dernier, les gendarmes de Mortain effectuent des missions de reconnaissance sur le tracé de la future ligne THT. La Manche Libre les a suivis au cours d’une de leur patrouille sur le territoire de la commune du Mesnil-Rainfray. Partagés entre indifférence et résignation, les riverains ont baissé les bras.
"Ça ne tue peut-être pas les gens ?” Les mains serrées sur le piquet rouillé de sa barrière, Roger, 81 ans, ne sait trop quoi penser. La future ligne 400 000 volts passera à 300 mètres de son habitation, sur la ligne de crête du champ voisin. "Je suis allé aux réunions, confie l’ancien charpentier. Mais que voulez-vous dire ? Que voulez- vous faire ? Il faut bien passer quelque part.” La campagne du Mesnil-Rainfray appartient à ce quelque part - ou ce nulle part - qu’a choisie la société RTE (Réseau de transport d’électricité) pour planter neuf des pylônes de sa ligne THT Cotentin-Maine.

Comme la Manche, le territoire de cette petite commune de 245 habitants, située au sud du département, n’est qu’un immense couloir rural. Autour du petit bourg, occupé en ce début du mois de juin à restaurer la toiture de son église, les rares maisons habitées se perdent au fond de chemins sans issue, coincées entre des champs, des vaches et des caravanes d’Anglais retapant des ruines invendables. Profitant du dénivelé et de ce grand vide, RTE va tirer ses câbles dans le fond d’une petite vallée verdoyante.

“Ici, c’est impacté”, lâche sobrement le lieutenant Olivier Hégron, en arrivant au lieu-dit “La Brésavinière”. “La ligne passe dans ce champs, au bout de ce chemin”, montre de l’index le chef de la communauté de brigades de gendarmerie de Mortain. Ce hameau composé de trois maisons, dont deux partiellement occupées par des propriétaires originaires d’Outre- Manche, constitue le point de départ de la mission de reconnaissance de zone (voir article ci-dessous), choisie en ce vendredi matin.

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A la vue des gendarmes, l’agriculteur de la Brésavinière stoppe son tracteur.

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A l’autre bout de la ligne, une riveraine attend le prochain passage de RTE.

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Venu rechercher le calme de la campagne, ce couple d’Evry a suivi l’implantation de la ligne Cotentin- Maine à distance.

“Ni pour ni contre”

Depuis janvier 2011, période à laquelle ils ont pris connaissance du tracé définitif de la ligne, les militaires de Mortain se rendent à pied, en voiture ou en VTT au contact des riverains pour “prendre leur pouls”. Déjà parcouru une première fois, l’intégralité du tracé le sera une nouvelle fois ces prochaines semaines, puis une troisième avant la fin de l’année. “Le premier sondage a été positif”, résume l’officier. “Les gens ont tout essayé. Ils sont maintenant entrés dans une forme de résignation."

A l’opposé de leurs proches voisins bretons ou mayennais, les Normands n’ont pas la réputation d’être de grands contestataires. “Je ne suis ni pour ni contre”, admet au pied de son tracteur cet agriculteur à la retraite. Peu enclin à croire en un quelconque impact pour son bétail, l’homme possède plusieurs parcelles de terre sur ce lieu-dit. Pour ne léser personne, RTE a accepté de faire passer la ligne sur la limite séparant son champ de celui du voisin. “Nous avons coupé la poire en deux : cinquante mètres chacun.”

Pour les indemnités, ce sera cinquante-cinquante aussi. 4 km plus bas, aux Vallées, la résignation est tout autant assumée. “On n’a même pas écrit pour connaître les conséquences”, confesse un couple de retraités, originaires d’Evry et demeurant au Mesnil-Rainfray six mois par an. Sur la route qui descend à Chasseguey, plusieurs maisons appartiennent à des ressortissants britanniques.

A la Buissonnière, le propriétaire ne veut ni entendre ni parler de la THT qui passe, pourtant, à moins de 100 mètres de sa propriété. Sur le bord de la chaussée, occupé à planter quelques tubercules sur un lopin de terre hérité de sa famille, un habitant de Moulines, près de Saint-Hilaire-du-Harcouët, va voir une partie de son taillis rasé à cause de la ligne. “On ne peut rien dire”, commente-t-il laconiquement. Pour ses châtaigniers, l’indemnisation ne devrait pas peser lourd. Ses proches voisins, sis route des sapins à Chasseguey, vont devoir sacrifier une grande partie de l’hectare de merisiers et de sapins plantés par leurs soins quelques années auparavant. “La ligne passe au beau milieu”, explique l’ancienne agricultrice. Son époux est absent. Il est parti marquer les arbres à abattre. RTE passe lundi.

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Pour ratisser la zone de reconnaissance, vaste de 4km2, les gendarmes forment deux patrouilles : une motorisée et pédestre, l’autre en VTT.

Un “été calme” avant les pylônes

La future ligne THT s’affiche de tout son long dans l’arrière-salle de la brigade de gendarmerie de Mortain. Les cartes au 1/10 000e de l’ouvrage ont été reliées entre elles pour former une immense frise. En dessous, pour chaque commune concernée, le nombre de pylônes implantés est inscrit sur le haut d’une feuille émargeant l’identité des riverains. Piquées de simples punaises, les cartes de visite des deux ingénieurs de RTE en charge du Mortainais côtoient la liste des associations opposées au projet. Les plus actives sont signalées en rose.

Dans le sud-Manche, "Chèvreville sans THT" fait office de dernier des Mohicans. Sa voisine, “Le Mortainais sans 400 000 volts”, ne représentant vraisemblement plus une menace de trouble à l’ordre public.

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L’arrière-salle de la gendarmerie est le lieu de réunion avant chaque patrouille sous la future ligne.Le lieutenant Hégron (à gauche) y donne ses instructions.

45 000 ha visités

Malgré le probable dépôt du permis de construire courant juin, les forces de gendarmerie s’attendent à un été calme, avant un possible sursaut d’opposition avec l’arrivée des premier spylônes, à l’automne ou à l’hiver prochain. Nées à l’initiative de la communauté de brigades (COB), les missions de reconnaissance de la future ligne s’inscrivent dans une opération plus large de prévention de proximité.

Depuis janvier 2010, les 45 000 ha qui composent le territoire de la COB ont été divisés en parcelles de deux kilomètre sur deux. “Le but de cette reconnaissance de zone est de visiter les écarts et les sites isolés et de prendre contact avec la population pour la sensibiliser, en français et en anglais, sur toutes les formes de délinquance”, résume le lieutenant Olivier Hégron. En une année et demie, les militaires ont déjà parcouru 90% de leur périmètre, et ce sans encombres. “Le terreau est favorable pour ce genre d’opération”, analyse l’officier. “Les habitants ont une bonne image de la gendarmerie”, même si certains ne les avait pas vus depuis... la guerre !

Un pylône tous les 500 mètres

Pour supporter les 163 km de la ligne Cotentin-Maine, RTE prévoit l’installation d’environ 300 pylônes de 45 à 60 mètres de hauteur, soit un tous les 500 mètres en moyenne.

Pour compenser les impacts de la ligne aérienne, 163 km de lignes électriques et 105 km de lignes en projet seront partiellement mis en souterrain. C’est le cas de la ligne 90 000 volts Lairon-Mortain qui passe entre les communes de Chasseguey et de la Bazoge, et de la ligne 225 000 volts Flers-Launay implantée entre les communes du Mesnillard, de la Bazoge et de Fontenay.

Dans le Mortainais, dix-sept communes verront leur territoire traversé par la ligne 400 000 volts : Saint-Laurent-de-Cuves, Cuves, Le Mesnil-Adelée, Les Cresnays, Reffuveille, Juvigny-le-Tertre, Le Mesnil- Rainfray, La Bazoge, Fontenay, Chèvreville, Milly, Parigny, Lapenty, Villechien, Saint-Symphorien-des-Monts, Buais, Ferrières, Heussé, Fougerolles du Plessis.

Le temps des indemnisations

Après les agriculteurs - invités depuis le mois de janvier 2011 à signer une convention agricole - , RTE débute son travail d’indemnisation des riverains. Les premières visites ont démarré courant mai et devraient se prolonger jusqu’à l’été. Au total, 96 millions d’euros de mesures de réduction et de compensation des impacts du projet sur l’environnement ont été débloqués, dont 20 millions pour le plan d’accompagnement du projet (PAP) à destination des 64 communes traversées. Sans compter les 900 000 euros de taxes “pylônes” versées chaque année à ces communes. Farouche opposant à la ligne, le maire de Chèvreville, Gilbert Daniel, a attaqué le PAP devant le tribunal administratif de Caen le 31 mai dernier, le jugeant illégal.