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Contribution d’un particulier au registre citoyen et à la commission d’enquête publique

vendredi 17 juillet 2009, par postmaster

Mesdames, Messieurs,

Dans le cadre de la procédure retenu, en tant que commissaires enquêteurs, vous devrez donner un avis sur le dossier soumis à enquête. Mais sur ce dossier très particulier, il me semblerait normal que cet avis prenne aussi en considération la procédure passée et les décisions à venir… En effet, pour l’Etat, les enjeux sont immenses. C’est un point qu’il n’est pas possible d’ignorer.

Je voudrais rappeler, dans ce courrier, qu’il y a déjà eu, fin 2005/début 2006, un débat public organisé par une commission spécifique de la CNDP sur le projet de ligne à Très Haute Tension Cotentin –Maine. Ce débat public a, c’est son rôle, pointé un certain nombre de sujets sur lesquels subsistaient des désaccord entre les parties participantes. Il est intéressant d’y revenir … en notant les éventuelles évolutions plus de 3 ans après.

Dans le compte-rendu établi par M. Giblin, en mars 2006, un constat est repris : « (L)es incertitudes scientifiques et l’absence en France d’études épidémiologiques nourrissent le doute et l’inquiétude du public, comme en témoigne le nombre important de questions posées sur ce thème » (page 55). Au vu des différentes expressions des éventuels riverains, un constat similaire pourra sûrement être effectué après l’enquête publique. C’est dire que depuis le bilan public, aucune initiative du promoteur du projet n’a permis de réduire les doutes et les inquiétudes des populations concernées. Bien au contraire…

RTE a critiqué vertement les conclusions de l’enquête citoyenne, sous l’autorité du CRIIREM, sur les riverains des lignes THT actuelles. Sans doute imparfaite, cette enquête prend au moins en compte les ressenti des riverains et met en évidence une dégradation significative des conditions de vie, difficilement réfutable. A ce propos, les médias nous informent que des plaintes de riverains de lignes THT existantes sont d’ailleurs maintenant déposées, et que RTE a été condamné (affaire Marcouyoux, en 1ère instance).

Au moins deux études scientifiques reconnues, parues en 2007 et 2008, ont mesuré les conséquences des champs des électromagnétiques :
- le rapport BioInitiative, synthèse internationale de 1500 études, qui regroupe des scientifiques de toutes nationalités, fait un constat alarmant. Il considère notamment qu’ « il n’est plus acceptable que l’on installe de nouvelles lignes et de nouvelles installations électriques qui placent les populations dans des environnements EBF/ELF reconnus comme facteurs de risques (à partir de 2 mG (0,2 µT) »
- l’étude suisse conduite par Anke Huss qui constate une aggravation du nombre de maladie d’Alzheimer en cas de proximité avec une ligne THT

Ces deux études mettent aussi en évidence que plus la durée d’exposition est importante, plus le risque l’est aussi. A proximité d’une ligne THT, en cas d’habitations et d’infrastructure à usage collectif (école, …), la durée d’exposition sera forcément importante.

Mais dans le dossier soumis à enquête publique, il n’y a toujours aucun problème, et même aucune incertitude, il faut dire que RTE a délibérément écarté ces travaux scientifiques récents !

M. Giblin ajoutait que le rapport du groupe d’experts de la DGS recommandait notamment « d’examiner les moyens techniques permettant de réduire l’exposition des populations exposées aux niveaux les plus élevés (c’est-à-dire au dessus de 0,3-0,4 micro Tesla environ en moyenne). A aucun moment, le dossier soumis à enquête n’examine ces moyens et les possibilités de les mettre en œuvre…

« La Commission a suggéré d’avancer sur cette question de la mise en œuvre de mesures de précaution, en regardant comment cette question est concrètement traitée dans différents pays, notamment ceux qui sont les plus avancés en matière de santé publique » : cette suggestion judicieuse qui aurait permis d’y voir plus clair, et peut-être de trouver des solutions acceptables, n’a eu aucune suite de la part du promoteur du projet.

Ainsi, la Suède, qui a défini des normes de précaution pour les champs électromagnétiques et qui reconnaît l’électrosensibilité comme une maladie, n’est pas du tout citée. Pas plus que les autres Etats membres de l’Union Européenne, neuf au total, qui ont fixés des limites plus préventives que celles prônées par la Commission.

Fin 2007, en lien avec la fédération allemande,le land de Basse Saxe a réglementé l’installation des lignes à Haute Tension des distances de 200 m pour des maisons isolées et de 400 m en approche de zone urbaine. Si les champs électromagnétiques approchent le point du seuil de la norme, c’est la base de 400 m qui sera prise en considération…Cette loi interdit aussi les lignes aériennes dans des secteurs dits protégés (paysage). Evidemment RTE n’évoque pas non plus cette réglementation récente…

Ainsi, sur ces trois sujets mis en exergue par le débat public à propos de la santé humaine (les études scientifiques, les moyens techniques pour réduire l’exposition, les exemples internationaux), depuis 3 ans, la position de RTE n’a pas évolué et le dossier soumis à enquête ne prend même pas en compte les éléments récents ! C’est vraiment considérer les riverains potentiels pour des simples objets, et la commission du débat public pour une instance inutile !

Si RTE n’essaie pas de répondre aux membres de la commission de débat public il est tout à fait légitime de penser que ce projet n’évoluera pas s’il n’en a pas l’obligation. Obligation qui ne pourrait venir que de l’Etat…

Et encore ! Ainsi, il est prévu depuis des années qu’une ferme expérimentale, en site réel, sous une ligne actuelle, soit crée. C’est une demande forte des agriculteurs à chaque fois qu’un projet de ligne THT émerge. Dans la région, des promesses en ce sens ont été faites lors de la création de Flamanville-Domloup, puis lors de la création de Domloup-les Quintes. Cela ne s’est pas concrétisé. Pour la THT Cotentin-Maine, il y a eu une demande expresse de Mme Kosciusko-Morizet, alors secrétaire d’Etat à l’Ecologie, devant les élus mayennais et les associations, avec une date butoir en mai 2009… Mais chacun peut constater qu’il n’y en a toujours pas !

Un décret de 2004 permet aux préfets de créer des servitudes d’utilité publique le long des lignes THT, et ainsi d’interdire toute construction proche. Ce décret n’a jamais été utilisé, et récemment encore, des permis de construire ont été accordés tout à fait légalement en Manche.

Clairvoyant, M. Giblin concluait son compte-rendu ainsi : « Il faut bien constater que la définition de normes ou d’un cadre de précaution, dont la portée dépasse assurément le problème posé par le projet soumis au débat, n’est pas du ressort du maître d’ouvrage mais des autorités et agences publiques notamment sanitaires que le débat a interpellé et qui se sont peu exprimées sur le sujet jusqu’à présent ». Trois ans après, rien n’a changé de ce côté-là non plus… 

En multipliant les démarches, des informations apparaissent : un rapport de l’AFFSET est en cours, une étude de l’INSERM sur les cancers infantiles devrait bientôt aboutir, … Mais, s’il y avait une volonté de les prendre en considération, pourquoi ne pas avoir attendu la publication des conclusions avant de soumettre à enquête publique un projet de nouvelle ligne THT ?

Méthodiquement, tout est fait pour que l’impact sanitaire des champs électromagnétiques émis par les lignes THT ne soit pas pris en compte :
- Le nucléaire, dont la création d’un EPR, et ses conséquences, a été exclu des problèmes soumis au Grenelle de l’Environnement.
- Les deux résolutions récentes du Parlement Européen, qui constate que les normes actuelles sont « obsolètes » et qui demande l’application d’une distance de précaution par rapport aux lignes, sont purement et simplement ignorées.
- Alors qu’un processus de concertation nationale a lieu pour les antennes relais et les portables, rien n’est organisé pour les lignes THT. Au point, où le MEDDAT n’a jamais rencontré des représentants associatifs sur ce sujet…

Dans ce contexte, autant le dire clairement, la responsabilité des commissaires enquêteurs peut-être essentielle. Un avis favorable assorti de réserves, mêmes importantes (sur la distance, la mesure des champs électromagnétiques, la prise en compte de problèmes locaux…), ne sera qu’un pas de plus vers la Déclaration d’Utilité Publique du projet actuel. Au vu des suites du débat public et des pratiques du promoteur et de l’Etat, vous pouvez le regretter, mais vous ne pouvez avoir aucune illusion d’amélioration : un avis favorable avec réserves est, pour eux, un avis favorable.

Ce projet est pourtant inacceptable en l’état, il ne prend pas en compte les incertitudes et les controverses scientifiques, il ignore complètement le principe de précaution. C’est bien un projet de la raison d’Etat !

Je vous demande, en conséquence, d’oser émettre un avis défavorable. Les méthodes de RTE, condamnées par tous les élus, même ceux qui sont favorables à une nouvelle ligne, seraient ainsi enfin sanctionnées, tout comme l’implication partiale des services de l’Etat, absents sur l’impact sanitaire mais très offensifs sur les contreparties financières.

Seul un avis défavorable permettra de mettre à plat le dossier, d’aboutir à une concertation indispensable, de prendre en compte les exigences légitimes des riverains. Le retentissement serait immense, et cet avis permettrait, sans nul doute, de faire modifier la réglementation française actuelle qui en a bien besoin.

Dans cette attente, je vous prie d’agréer, Mesdames, Messieurs, mes salutations vigilantes et respectueuses.