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Où en sont les parlementaires sur le sujet de l’enfouissement ?
dimanche 20 juillet 2008, par
Nous reprenons ici deux comptes-rendus :
Le premier est l’examen du rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) sur l’enfouissement, daté du 12 décembre 2001
Le deuxième est le question du député Guénhaël Huet le 25 mars 2008 et la réponse de Hubert Falco, Secrétaire d’État chargé de l’aménagement du territoire. Cliquez ici pour aller directement à cette deuxième partie.
OFFICE PARLEMENTAIRE D’ÉVALUATION DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES (OPECST)
Mercredi 12 décembre 2001
Présidence de M. Pierre Laffitte, sénateur, vice-président.
Enfouissement des lignes à haute et très haute tension - Examen du rapport
L’Office a procédé à l’examen du rapport sur l’enfouissement des lignes à haute et très haute tension de M. Christian Kert, député.
L’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques a procédé à l’examen du rapport sur la contribution de nouvelles technologies à l’enfouissement des lignes électriques à haute et à très haute tension.
M. Christian Kert, député, rapporteur, a rappelé que si des progrès ont été réalisés ces dernières années dans l’enfouissement des lignes à basse et moyenne tension, il n’en était pas de même pour la haute et la très haute tension, alors que ces lignes font l’objet d’une opposition de plus en plus vive de la part des populations riveraines.
Le gestionnaire des lignes électriques à haute et à très haute tension qui est, depuis le 10 février 2000, Réseau de Transport d’Électricité (RTE) se retranche derrière des arguments techniques et économiques pour justifier son refus d’enfouir ces lignes. Or depuis quelques années, plusieurs données nouvelles plaident en faveur de la mise en place d’une politique d’enfouissement.
La France est en retard par rapport à bon nombre de ses partenaires européens, et par rapport à des pays du continent américain, où, pourtant, la politique énergétique n’a pas connu jusqu’à présent de succès identiques à ceux de notre pays.
Les coûts qui ont longtemps été présentés comme irréversibles montraient que l’opération d’enfouissement d’une ligne revenait dix fois plus cher que la pose de cette même ligne, en aérien. Dans un tel rapport économique, il était évident qu’un tel choix pouvait être légitimement considéré comme un luxe. Or, la réalité est plus complexe et, déjà, compte tenu des contraintes nouvelles de sécurité imposées à l’aérien après les tempêtes, ce ratio peut être considéré comme dépassé.
Les exigences en matière de respect d’environnement, de protection des sites, de préoccupation de santé ont considérablement évolué en quelques années et, aujourd’hui les populations riveraines d’un projet de tracé de lignes en contestent les nécessités et même critiquent les installations existantes au prétexte, souvent fondé, qu’elles dénaturent le paysage.
D’autre part, des avancées technologiques réelles sont d’ores et déjà susceptibles de favoriser le développement de l’enfouissement, mais aussi de permettre l’abaissement de coûts qui peuvent à certains égards paraître quelque peu exagérés.
Aux antiques câbles à papier imprégné d’huile se sont substituées de nouvelles techniques à travers le monde.
Les câbles à isolation synthétique comportent au moins : une âme en cuivre ou aluminium par où transite le courant, un écran semiconducteur interne, une enveloppe isolante entre les écrans semiconducteurs, un écran semiconducteur externe (sur enveloppe isolante), un écran métallique (alliage de plomb ou en aluminium) qui contribue au confinement du champ électrique, assure la circulation des courants de courts circuits et empêche l’eau d’atteindre sa couche isolante ainsi qu’une gaine extérieure qui assure la protection mécanique du câble et isole l’écran de la terre. Cette gaine peut être en polychlorure de vinyle ou en polyéthylène.
L’installation « pilote » en ce domaine est à Berlin, où un tunnel long de 12 km a été creusé à 30 mètres de profondeur sous les deux anciens « Berlin ». Son diamètre extérieur est de 3,60 mètres. C’est une opération onéreuse, mais très réussie techniquement et en termes de sécurité. Des réalisations du même type existent également à Copenhague et à Tokyo.
Autre technique, les câbles à isolation gazeuse comportent un conducteur en aluminium supporté par des isolateurs dans un gaz isolant sous pression, une enveloppe extérieure en aluminium, un revêtement anticorrosion. Le meilleur gaz isolant est un mélange à base d’azote qui permet d’éliminer l’inconvénient majeur de l’hexachlorure de soufre d’être un gaz à effet de serre. Mais l’utilisation de cette technique impose de prévoir des stations de redressement pour compenser la perte de puissance. Actuellement ces stations d’environ 2 hectares sont nécessaires tous les 20 km.
A Genève, un passage souterrain a été construit dans un tissu urbain très dense ; il mesure 450 mètres. En France, aux Renardières, un programme commencé en 1992 a été validé le mois dernier ; il s’agit d’un tube de 55 cm de diamètre en aluminium, le conducteur central étant maintenu par des tripodes. La réalisation la plus longue se trouve au Japon, où le tunnel atteint 3,5 km.
Enfin les câbles supraconducteurs qui comportent un conducteur refroidi à la température cryogénique (actuellement de l’azote liquide à - 196°), un isolant électrique et une enveloppe extérieure. Pour pouvoir utiliser ces câbles, il est nécessaire d’y adjoindre des unités de refroidissement. L’azote entre ainsi par un bout de la liaison, s’échauffe au fur et à mesure de son écoulement, ressort avec un accroissement de température et passe dans l’unité de refroidissement qui le ramène à sa température initiale et repart dans la liaison.
L’utilisation de ces nouvelles technologies devrait permettre d’abaisser les coûts d’autant que les emprises au sol ont été notablement réduites, le passage d’une ligne souterraine à très haute tension ne devrait plus neutraliser qu’une bande de terrain équivalente à la largeur d’une route départementale.
Mais la véritable réduction des coûts ne pourra se faire que si le volume des commandes passées aux fabricants de câbles devient significatif. L’enfouissement des lignes à haute et à très haute tension ne pourra jamais concerner la totalité du réseau et devra être réservé à des passages particulièrement sensibles pour des raisons de protection de l’environnement, mais aussi pour sécuriser certaines parties du réseau particulièrement exposées aux aléas climatiques.
M. Claude Gatignol, député, a rappelé que les câbles aériens pouvaient aussi être utilisés pour dérouler de la fibre optique et a demandé au rapporteur, qui lui a répondu par la négative, si les lignes enfouies donnaient lieu à impositions locales.
M. Pierre Laffitte, président, sénateur, a souligné les gains en coût qui pouvaient être obtenus de l’enfouissement des lignes sous le réseau autoroutier et a insisté sur l’importance d’une prise de conscience européenne dans ce domaine.
Le rapport présenté par M. Christian Kert, député, a été adopté à l’unanimité des membres présents.
Assemblée nationale, mardi 25 mars 2008
LIGNE À TRÈS HAUTE TENSION « COTENTIN-MAINE »
Guénhaël Huet, Député de la Manche
La construction pour 2012 de l’EPR de Flamanville est essentielle pour le renouvellement de notre parc de réacteurs nucléaires, et chacun dans la Manche l’a bien compris. La ligne à très haute tension « Cotentin-Maine », qui le raccordera au réseau national, va traverser de part en part le département, vers la Mayenne. Depuis plusieurs mois, les représentants de RTE, le réseau de transport d’électricité, sont venus donner des explications et proposer - imposer ? - des solutions. Pour des communes de faible superficie, notamment dans les cantons de Percy, de Saint-Pois ou de Saint-Hilaire-du-Harcouët, cela pose un vrai problème. Celle de Chévreville par exemple, qui a 450 hectares, n’aurait plus aucune possibilité de développement si la ligne à très haute tension la traversait. Elle vient d’ailleurs de refuser d’élire son conseil municipal.
L’enfouissement de la ligne est la bonne solution, mais RTE reste sourd à cette demande, se réfugiant derrière des considérations technocratiques. Dans son rapport de 2001, M. Kert montre pourtant que cet enfouissement est tout à fait possible techniquement et que le surcoût ne serait pas trop élevé, surtout si l’on réduit les coûts en y procédant sur une certaine distance. Mais le dialogue avec RTE est difficile, voire impossible. Ses représentants nous opposent des certitudes techniques, dont on sait pourtant qu’elles sont bien relatives sur le moyen et le long terme. La réponse ne peut donc être que politique. Le Grenelle de l’environnement, et la récente prise de position de Mme la secrétaire d’État à l’environnement, suite à l’enquête de santé publique du Centre de recherche et d’informations indépendantes sur les rayonnements électromagnétiques, militent dans ce sens. Quelle est la position du Gouvernement sur ce sujet très délicat ?
Hubert Falco, Secrétaire d’État chargé de l’aménagement du territoire
Vous soulevez le problème de l’enfouissement, dans certaines zones, de la ligne à très haute tension « Cotentin-Maine ». La construction de ces lignes est toujours précédée de procédures visant à assurer leur meilleure insertion dans l’environnement. Dans un premier temps, préfecture et sous-préfectures organisent une concertation préalable à laquelle élus locaux et associations représentatives sont associés, afin de déterminer l’emplacement du fuseau dit « de moindre impact ». Pour le projet Cotentin-Maine, cette concertation a eu lieu d’octobre 2006 à décembre 2007. Après une analyse complète de la zone et le recensement des problèmes qui pourraient se poser pour l’environnement, plusieurs fuseaux possibles ont été comparés, ce qui a permis d’aboutir à une proposition de fuseau « de moindre impact ».
Les modalités d’enfouissement diffèrent selon le niveau de tension des ouvrages. L’enfouissement des lignes à haute tension représente un surcoût réduit par rapport à la technique aérienne, et RTE s’est engagé, dans le contrat de service public du 24 octobre 2005, à enfouir au moins 30 % de ces lignes ; en 2006, le taux moyen d’enfouissement a été supérieur à 35 %.
En revanche, l’enfouissement des lignes à très haute tension, au-delà de quelques kilomètres, présentant des contraintes techniques et financières très lourdes, reste exceptionnel. L’enfouissement n’est cependant pas la seule solution pour améliorer l’insertion environnementale de ces projets. Des mesures adaptées à chaque commune doivent ainsi être prises dans le plan d’accompagnement pour la ligne Cotentin-Maine : RTE proposera aux habitants situés à proximité de l’ouvrage de limiter la gêne visuelle, par exemple par des plantations végétales, et le préjudice visuel sera indemnisé. Monsieur le député, je suis naturellement prêt à vous recevoir pour discuter plus en détail des spécificités de cette ligne et voir sur quelles nouvelles bases nous pourrions discuter avec RTE.
Guénhaël Huet, Député de la Manche
Je vous remercie de cette réponse, qui ne me satisfait cependant pas entièrement, même si je prends acte de votre invitation. Je déplore l’attitude technocratique de RTE, qui reste sourd à toute demande d’explication. La présence du préfet lors de la phase de concertation préalable est d’ailleurs purement formelle, car en réalité, c’est RTE qui décide de tout, sans écouter ni les uns ni les autres ; j’aimerais que le Gouvernement l’invite à davantage de modestie.