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Droit des riverains

dimanche 6 juillet 2008, par postmaster

Le diaporama :


Le document :


Droit des riverains face à RTE : que faire lorsque RTE se présente à mon domicile ?

Comme chacun le sait, RTE est déjà à recherche des propriétaires qui accepteront de recevoir un pylône sur leur terrain. Force est de constater que les méthodes sont les mêmes que par le passé : réunions en tête à tête, intimidations, mensonges voir menaces. Face à de tels agissements, comment se comporter ? Nous devrons ici envisager deux hypothèses :

- Que faire lorsque RTE cherche à pénétrer sur mon terrain pour procéder à des observations et relevés divers ?

Au cours de la procédure préalable à tout projet de ligne électrique à THT, RTE mène une « enquête », se rend sur le territoire concerné, prospecte, afin de repérer le terrain. Alors quelle réaction faut-il adopter lorsque RTE cherche à pénétrer dans votre propriété ?

Il faut savoir que si l’entreprise de service public respecte la loi, elle est dans son droit et peut donc pénétrer sur votre terrain. Cependant, la réglementation étant souvent mal connue des populations, RTE ne la respecte pas toujours.

C’est pourquoi, les habitants doivent savoir que la loi du 29 décembre 1892 protège les propriétés closes. Aux termes de son article 3 : « lorsqu’il y a lieu d’occuper temporairement un terrain, (...) cette occupation est autorisée par un arrêté du Préfet, indiquant le nom de la commune où le territoire est situé, les numéros que les parcelles dont ils se composent portent sur le plan cadastral, le nom du propriétaire tel qu’il est inscrit sur la nature des rôles ». Cet arrêté doit indiquer de façon précise les travaux pour lesquels l’occupation est ordonnée, la nature et la durée d’occupation, ainsi que la voie d’accès. Un plan parcellaire désignant par une teinte les terrains à occuper (plan coloré) doit être annexé à l’arrêté. L’arrêté doit, pour être valable, être affiché 10 jours avant l’occupation et celle-ci ne peut avoir lieu que si le propriétaire a été prévenu 5 jours à l’avance par voie recommandée. Enfin, il n’est valable que 6 mois.

Ainsi, si RTE ou l’un de ses sous-traitants cherche à pénétrer sur votre terrain, vous êtes en droit d’exiger qu’il vous présente l’arrêté ainsi que toutes les autres pièces énumérées ci-dessus. Si l’arrêté n’est pas en leur possession, si vous n’avez pas été prévenu 5 jours à l’avance, si l’arrêté n’a pas été publié 10 jours auparavant, si vous constater une erreur dans l’arrêté ou dans les pièces annexées à l’arrêté ou si ce dernier n’est plus valable (car il excède 6 mois), libre à vous de leur signifier qu’ils ne peuvent pas rester. Et si les protagonistes persévèrent, répondez leur que vous connaissez vos droits, que vous êtes en contact avec un avocats et menacez les de contacter immédiatement un huissier de justice, pour que celui-ci constate la violation de vos droits afin de saisir au plus vite le juge des référés d’une demande en référé constat ou suspension. En général, ce type d’argument suffit à les faire déguerpir sur le champ !

- Que faire si RTE cherche à négocier et me propose la signature d’une convention pour implanter un pylône sur ma propriété ?

La première chose à faire est de refuser toute négociation avec RTE, ce qui implique de n’accepter aucun rendez-vous avec ses agents et de refuser de signer n’importe quelle convention.

Mais il pourrait arriver que RTE se présente directement à votre domicile ou qu’il vous rende visite malgré votre refus de négocier. Sachez que rien ne vous oblige à les recevoir.

Les agents tenteront d’abord de vous appâter avec des indemnités. Ne signez rien ! La protection de votre environnement, de votre santé et du paysage avoisinant vaut bien plus que quelques centaines ou milliers d’euros.

Bien entendu, ils tenteront de vous intimider. Ils prétendront que vous serez un jour ou l’autre obligés de signer cette convention et que plus vous attendrez pour signer la convention, moins vous aurez d’indemnités. Or cela ne s’est jamais vérifié en pratique, bien au contraire. Surtout qu’encore une fois rien ne vous oblige à signer cette convention.

Ils essaieront également de vous faire peur en vous menaçant de vous poursuivre en justice. Ceci est absolument faux ! Il n’existe, dans le code pénal, aucune infraction pour ce genre de fait. Il s’agit donc de menaces infondées, simplement destinées à vous faire céder.

Résister face à RTE vous paraît peut être difficile. Leurs agents maîtrisent parfaitement leurs discours et ont dans leurs sacs de nombreux faux arguments destinés à vous faire pliez. Pourtant sachez que sans ces conventions, le gestionnaire du réseau de transport électrique ne pourra pas implanter des pylônes. En effet, l’implantation des pylônes nécessite une mise en servitude et non une expropriation et RTE n’a pas de droit d’expropriation [1] . Et qui dit pas de pylônes, dit pas de THT près de chez vous. Du temps où EDF avait encore en charge ce domaine, on a déjà vu des cas ou l’entreprise de service publique se retrouvait bloquée, alors que les travaux avaient commencé, car la plupart des habitants d’une commune refusaient de signer les conventions. Dans de nombreuses régions de France, la mobilisation de la population a payé et RTE a, ces dernières années, dû reculer plusieurs fois. Il ne faut donc pas céder, tout reste encore possible.

Cependant, il est vrai que, à un moment donné, si RTE ne parvient pas à signer de conventions avec les propriétaires concernés par le tracé de la ligne, le préfet lancera une procédure de mise en servitude légale. Et dans ce cas, c’est le juge qui tranchera le litige. Pour autant, cela permet, encore une fois, d’obliger RTE à déposer de nombreux recours, et comme une procédure peut durer plusieurs mois, voir plusieurs années en cas de recours en Appel ou en Cassation, ce type de stratégie nous paraît assez judicieux pour empêcher le commencement ou la poursuite des travaux.

Enfin, il nous semble nécessaire de revenir rapidement sur la question des postes de transformation. En effet, RTE n’ayant pas le droit d’exproprier, s’il ne parvient pas à obtenir la signature de convention pour implanter les postes, qui elle nécessite une expropriation, et non l’établissement de simple servitudes, il peut demander à l’Etat de lancer l’expropriation pour son compte selon le même déroulement que pour l’établissement des servitudes de passages pour les lignes. Ce type de situation est assez fréquent pour les travaux nécessitant une expropriation, cependant, il ne nous a pas été possible de trouver d’arrêté de cessibilité qui concernait RTE. Cela s’explique certainement par le fait que RTE n’est concerné par l’expropriation que pour les postes, c’est-à-dire très rarement. Par contre, une fois que l’arrêté de cessibilité est prononcé par le juge de l’expropriation, c’est RTE qui devient propriétaire des terrains concernés et non l’Etat, ce qui nous paraît assez surprenant, RTE étant une Société Anonyme, certes avec des missions de service public, mais une SA tout de même.

Droit des riverains en matière de ligne à THT : que faire si un pylône issu d’un ouvrage électrique passe tout de même à proximité de mon terrain ?

En matière de ligne à THT, les riverains ont finalement peu de droits. Si la puissance publique a décidé d’implanter une ligne sur un territoire, rien ne peut l’en empêcher dès lors que le projet a valablement été déclaré d’utilité publique et que les permis de construire ont été délivrés, hormis des illégalités dans la procédure préalable aux travaux et/ou dans le projet lui même.

Un habitant, riverains ou propriétaires, c’est-à-dire une personne ayant un intérêt privé, ne peut pas s’opposer à la toute puissance de l’intérêt général, qui prévaut trop souvent sur la protection de l’environnement, qui elle même est censée être d’intérêt général. Si la mobilisation collective des personnes concernées n’a pas fait reculer RTE et que le projet est mené à bien, la seule contre partie que certains pourront obtenir est de se faire indemniser.

Mais attention, pour RTE, il n’est pas question d’indemniser toutes les personnes vivant à proximité d’une ligne THT, sinon, la plupart des citoyens français pourrait y prétendre. Ainsi, seules les servitudes ainsi que les préjudices subits sont indemnisés.

- L’indemnisation des servitudes

En ce qui concerne les servitudes, il existe une gène qui donne droit à une indemnisation et dans ce cas, on parle de dommages. Deux catégories de dommages sont susceptibles d’être réparés. D’une part, les dommages permanents résultant de la présence de la ligne sur la propriété d’une personne et d’autre part, les dommages instantanés qui résultent de certains dommages subit par exemple lors des travaux. Lorsque la propriété est un terrain servant à des activités agricoles, le dommage est indemnisé en fonction d’un barème spécifique.

- L’indemnisation du préjudice visuel

Pour ce qui est des riverains propriétaires d’habitations, la recherche d’un accord amiable est toujours privilégiée par le maître d’ouvrage. Depuis 1998, RTE s’engage à indemniser le préjudice visuel aux propriétaires dont les maisons ont été construites ou achetées avant l’enquête publique préalable ou la DUP et se propose de limiter la gêne par des plantations.

Ainsi, lorsqu’un propriétaire s’estime lésé du fait de la présence de l’ouvrage, plus précisément, lorsqu’un propriétaire estime subir un « préjudice anormal et spécial, du fait notamment de la gêne visuelle causée par un ouvrage électrique nouveau », il est en droit de prétendre à une indemnité.

Dans ce cas, une commission départementale d’évaluation amiable du préjudice visuel, créée par arrêté préfectoral, est chargée d’apprécier le préjudice et le montant correspondant, puis elle transmet son avis à RTE qui soumettra au propriétaire concerné une proposition d’indemnisation. Si aucun accord amiable n’est trouvé entre le propriétaire et le maître d’ouvrage, alors celui qui s’estime lésé peut saisir le juge administratif dans le but d’obtenir une réparation. Il appartiendra alors au juge de trancher le litige et de décider si le préjudice est susceptible d’être indemniser et, le plus souvent, il fixera lui même le montant de l’indemnité que RTE devra verser au requérant.

- L’indemnisation d’un dommage issu de la gêne occasionnée par le bruit d’un ouvrage électrique

Enfin, selon nous un autre dommage est susceptible d’entraîner une indemnisation. Il s’agit de la gène occasionné par le bruit de l’ouvrage électrique. Il est vrai qu’un tel préjudice n’est pas prévu dans l’accord signé par RTE, mais il nous semble que, si le préjudice est réellement établi, le juge acceptera de l’indemniser.

Cependant, en droit français, les mesures relatives aux nuisances sonores comme les troubles de voisinage, ne sont pas applicables aux installations de transport d’électricité qui sont soumises aux dispositions de l’article 19 de la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d’énergie. Celui-ci énonce que « des arrêtés pris par le ministre chargé des travaux publics et le ministre chargé du commerce, de l’industrie, des postes et télécommunications et par le ministre de l’air, après avis du comité d’électricité, déterminent les conditions techniques auxquelles devront satisfaire les distributions d’énergie au point de vue de la sécurité des personnes et des services publics intéressés, ainsi qu’au point de vue de la protection des paysages. Ces conditions seront soumises à une révision annuelle ».

Dès lors, il convient de se référer aux arrêtés précités. Celui qui est en vigueur aujourd’hui est l’arrêté du 17 mai 2001 fixant les conditions techniques auxquelles doivent satisfaire les distributions d’énergie électrique. L’article 12 ter est relatif à la limitation de l’exposition des tiers au bruit des équipements. Le bruit mesuré à l’intérieur des locaux d’habitation doit satisfaire à l’une des conditions suivantes : soit « le bruit ambiant mesuré doit être inférieur à 30 dB », soit « l’émergence globale du bruit provenant des installations électriques » doit être inférieure à 5 dB de 7 à 22h et à 3 dB de 22h à 7h. Cependant, cet article ne précise pas si le manquement à cette obligation donne droit à indemnisation.

Les requérants pourront également se fonder sur un arrêt récent de la CEDH (CEDH, 16 novembre 2004 n° 4143/02 « Moreno Gomez c/ Espagne). Dans cet arrêt les juges sont venus affirmés que « l’Article 8 de la convention protège le droit de l’individu au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Le domicile est normalement le lieu, l’espace physiquement déterminé où se développe la vie privée et familiale. L’individu a droit au respect de son domicile, conçu non seulement comme le droit à un simple espace physique mais aussi comme celui à la jouissance, en toute tranquillité, dudit espace. Des atteintes au droit au respect du domicile ne visent pas seulement les atteintes matérielles ou corporelles, telle que l’entrée dans le domicile d’une personne non autorisée, mais aussi les atteintes immatérielles ou incorporelles, tels que les bruits, les émissions, les odeurs et autres ingérences. Si les atteintes sont graves, elles peuvent priver une personne de son droit au respect du domicile parce qu’elles l’empêchent de jouir de son domicile… Compte tenu de l’intensité des nuisances sonores – nocturnes et excédant les niveaux autorisés – et du fait que celles-ci se sont répétées durant plusieurs années, la Cour conclut à l’atteinte aux droits protégés par l’Article 8 ».

D’une manière générale, un tiers qui subit des désagréments du fait des nuisances sonores provoquées par le fonctionnement d’un ouvrage public (ou l’exécution de travaux publics) peut donc engager la responsabilité du maître d’ouvrage devant le juge administratif. Le plus souvent, le juge se fondera sur le principe de rupture de l’égalité des citoyens devant les charges publiques ou sur la responsabilité fondée sur le risque [2] . L’administration pourra donc voir sa responsabilité engagée bien qu’elle n’ait pas commis de faute et devra indemniser le demandeur. Dans ce cas, c’est à la victime de prouver l’existence du dommage et le lien de causalité entre le dommage subit et l’ouvrage public en cause pour pouvoir obtenir une indemnisation. Cependant, le juge administratif retient très rarement le fait que l’ouvrage ait pu causer en lui même un dommage et indemnise très peu souvent les victimes (en général il déclare que l’ouvrage ne cause en lui même aucun dommage et se refuse à toute indemnisation : CAA, Nantes, 8 juillet 1993, Guillemot, n° 92NT00221). L’important ici est donc de parvenir à prouver que le dommage provient en lui même du fonctionnement de l’ouvrage et, pour ce faire, de rédiger un mémoire solide.