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Novethic : Lignes à très haute tension, attention riverains
mercredi 9 avril 2008, par
Près de 3 000 foyers d’Ille et Vilaine, de Mayenne et de la Manche résidant près d’une ligne à très haute tension (THT) font l’objet d’une enquête sanitaire sans précédent, menée à l’initiative d’un collectif d’associations. Les premiers résultats confirment chez ces riverains un nombre accru de maux de tête, d’états dépressifs et de leucémies.
« Il n’existe en France aucune étude d’impact sur les conséquences sanitaires de la présence d’une ligne haute ou très haute tension », explique Jean-Charles Herriau, l’un des pilotes de la coordination Stop THT. Elle regroupe une centaine d’associations de Mayenne, d’Ille-et-Vilaine et de la Manche, opposées au projet de ligne THT liée à la construction de la centrale nucléaire EPR à Flamanville (Manche, annoncée pour 2012. « Les seuls points abordés par EDF et RTE, gestionnaire du réseau français de transport d’électricité, concernent l’insertion paysagère et l’accompagnement financier du projet d’installation », ajoute-t-il. Le collectif a donc décidé de mener sa propre enquête « sur le vécu et le ressenti des populations habitant sous des lignes THT ou susceptibles d’y habiter demain ».
8000 dossiers, 300 enquêteurs, 160 communes
Associant élus et syndicats agricoles, cette enquête, entamée mi-janvier 2008 et touchant environ 10 000 riverains, frappe par son ampleur et son organisation. Elle s’appuie sur une armée de 300 bénévoles. Tous signataires d’une charte de l’enquêteur et encadrés par une équipe de 20 coordinateurs, suivis et formés par le Criirem, le Centre de Recherche et d’Information sur les Rayonnements Electromagnétiques, responsable de l’ensemble du protocole d’enquête et du questionnaire administré. Anonyme, celui-ci porte sur l’habitation, le lieu de travail, les modes de vie... Une fois rempli lors d’un entretien individuel, ce questionnaire est mis sous pli, cacheté sous les yeux de la personne interrogée, puis adressé aux scientifiques du Criirem. L’association a reçu 8 000 courriers, répartis en trois groupes.
L’enquête, telle qu’elle a été conçue, compare en effet trois zones distinctes. Des couloirs de 300 mètres de large, situés de part et d’autre de deux lignes THT, près de Rennes. Et un troisième fuseau, le long de l’arc Maine-Contentin, autour du tracé envisagé pour la future ligne THT liée à l’EPR. Cette population, non exposée, sert de groupe de contrôle aux observations faites dans ceux déjà exposés.
Risque accru de leucémies
Les conclusions définitives sont attendues fin juin 2008, mais l’analyse préliminaire de 350 dossiers dessine plusieurs tendances. « Des problèmes de santé focalisés sur des troubles du sommeil, de la mémoire, de l’audition, mais aussi des maux de tête, de l’irritabilité et des états dépressifs sont plus fréquents chez les riverains exposés que chez les riverains non exposés et disparaissent de façon significative lorsque les riverains quittent la zone affectée par la ligne THT, » résume Pierre Le Ruz, du conseil scientifique du Criirem. Des cancers du sein et des leucémies sont aussi détectés en plus grand nombre.
Relevés dès la fin des années 1970, les effets cancérigènes des lignes électriques, THT incluses, ont suscité un net regain d’attention en 2005, à l’occasion de la parution en Grande-Bretagne du rapport Draper, une étude rétrospective portant sur 60 000 enfants dont la moitié atteints d’un cancer. « Si l’on examine les tumeurs du cerveau et d’autres diagnostics, on constate que le risque de leucémie infantile est 69 % plus élevé que la moyenne pour les enfants habitant à moins de 200 mètres d’une ligne THT, et 23 % plus élevé lorsque cette distance se trouve comprise entre 200 et 600 mètres, » a expliqué l’épidémiologiste Gerald Draper, de l’Université d’Oxford.
Corridors préventifs ?
Au Royaume-Uni, après une première proposition de loi demandant un moratoire immédiat sur la construction de maisons et d’écoles à proximité de lignes THT, le rapport SAGE a conclu en avril 2007 que « le lien entre la proximité de lignes électriques et la leucémie infantile est suffisant pour adopter une recommandation de précaution, y compris l’option, dans la mesure du possible, d’enterrer toute nouvelle ligne électrique et d’empêcher la construction de nouveaux bâtiments résidentiels à moins de 60 m des lignes existantes. » Trois mois plus tard, en juillet 2007, une commission d’enquête parlementaire britannique a conseillé au gouvernement d’étendre cette zone jusqu’à 200 mètres dans le cas des lignes les plus puissantes.
Victime collatérale de lignes THT : le marché de l’immobilier britannique, dont la décôte des habitations exposées approche les 25 %. Mais à ce jour, le gouvernement Gordon Brown n’a pourtant fixé aucune bande de sécurité minimum encadrant les lignes THT. La France compte quand à elle plus de 13 000 km de lignes THT, contre 3 000 en Grande-Bretagne. Depuis 2004, un décret fixe autour des lignes THT des servitudes allant de 10 à 40 m, appliquées à la discrétion du préfet. Insuffisant, revendique le collectif Stop-THT. « Nous souhaitons que les élus concernés s’engagent à protéger leur population, mais aussi faire évoluer les normes et obtenir des distances de protection par rapport aux personnes et aux exploitations. Trois députés sont déjà prêts à porter les résultats à l’Assemblée nationale, » affirme Jean-Charles Herriau. Affaire à suivre. Près de 200 000 personnes en France vivraient à moins de 100 mètres d’une ligne THT.
Maxence Layet
Mis en ligne le : 10/03/2008